Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/313

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passait aux mains de l’Assemblée Législative, élue au suffrage restreint et évidemment encore plus bourgeoise que l’Assemblée Constituante.

Et la réaction s’accentuait toujours ! Vers la fin de 1791, les meilleurs révolutionnaires finissaient par désespérer complètement de la Révolution. Marat la croyait perdue. « La révolution, écrivait-il dans l’Ami du Peuple, a échoué… » Il demandait que l’on fît appel au peuple, mais on ne voulait pas l’écouter. « C’est une poignée d’infortunés » (de gens pauvres), disait-il dans son journal du 21 juillet, « qui ont fait tomber les murs de la Bastille ! Qu’on les mette à l’œuvre, ils se montreront comme le premier jour, ils ne demandent pas mieux que de combattre leurs tyrans ; mais alors ils étaient libres d’agir, et maintenant ils sont enchaînés. » Enchaînés par les meneurs, bien entendu. « Les patriotes n’osent plus se montrer », dit toujours Marat le 15 octobre 1791, « et les ennemis de la liberté remplissent les tribunes du Sénat et se trouvent partout. »

Voilà ce que devenait la Révolution à mesure que les bourgeois et leurs « intellectuels » triomphaient.

Ces mêmes paroles de désespoir, Camille Desmoulins les répétait au club des Jacobins, le 24 octobre 1791. Les « réactionnaires ont tourné, disait-il, le mouvement populaire de juillet et d’août 1789 à leur profit. Les favoris de la Cour parlent aujourd’hui de la souveraineté du peuple, des droits de l’homme, de l’égalité des citoyens, pour tromper le peuple, et ils paradent sous l’habit de la garde nationale pour saisir ou même acheter les places de chefs. Autour d’eux se rallient