Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/322

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forme de procès les paysans révoltés, et personne ne disait rien. Mais lorsque les paysans affamés, qui demandaient que l’on taxât le pain, tuèrent enfin ce maire de leurs piques, il fallut entendre le chorus d’indignation soulevé par cet incident dans la bourgeoisie parisienne.

« Le jour est arrivé où les propriétaires de toutes les classes doivent sentir enfin qu’ils vont tomber sous la faux de l’anarchie », gémissait Mallet du Pan dans son Mercure de France ; et il demandait la « coalition des propriétaires » contre le peuple, contre les brigands, les prédicateurs de la loi agraire. Tous se mirent alors à pérorer contre le peuple, Robespierre comme les autres. C’est à peine si un prêtre, Dolivier, osa élever la voix en faveur des masses et affirmer que « la nation est réellement propriétaire de son terrain ». « Il n’y a pas de loi, disait-il, qui puisse, en justice, forcer le paysan à ne pas manger à sa faim, tandis que les serviteurs et même les animaux des riches ont ce qu’il leur faut. »

Quant à Robespierre, il s’empressa de déclarer que « la loi agraire n’est qu’un absurde épouvantail présenté à des hommes stupides par des hommes pervers. » Et il repoussa d’avance toute tentative que l’on essayerait de faire pour « l’égalisation des fortunes ». Toujours soucieux de ne jamais dépasser l’opinion de ceux qui représentaient la force dominante à un moment donné, il se garda bien de se ranger à côté de ceux qui marchaient avec le peuple et comprenaient que seules les idées égalitaires et communistes donneraient à la Révolution la force nécessaire pour achever la démolition du régime féodal.