Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/438

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le procès eût lieu, ensuite — qu’il aboutit à une condamnation, et que cette condamnation fût la mort, et enfin – que la peine fût appliquée[1]. Paris dut menacer la Convention d’insurrection pour la forcer à prononcer son jugement dans le procès commencé et à n’en pas différer l’exécution. Et jusqu’à présent, — que de paroles ronflantes, que de larmes chez les historiens quand ils nous parlent de ce procès !

Cependant, de quoi s’agissait-il ? Si un général quelconque avait été convaincu d’avoir fait ce qu’avait fait Louis XVI pour appeler l’invasion étrangère et l’appuyer, lequel donc des historiens modernes, — tous défenseurs de la « raison d’État », — aurait hésité un seul moment de demander la mort pour ce général ? Mais alors pourquoi tant de lamentations lorsque le traître fut le commandant de toutes les armées ?

Selon toutes les traditions et toutes les fictions qui servent à nos historiens et à nos juristes pour établir les droits du « chef de l’État », la Convention était le souverain en ce moment. À elle, et à elle seule, appartenait le droit de juger le souverain que le peuple avait détrôné, comme à elle seule appartenait le droit de législation échappé de ses mains. Jugé par la Convention, Louis XVI était, — pour parler leur langage — jugé par ses pairs. Et ceux-ci, ayant acquis la certitude morale de ses trahisons, n’avaient pas de choix. Ils devaient prononcer la mort. La clémence même était hors de

  1. Pendant le procès, des députés girondins, notamment ceux du Calvados, écrivirent à leurs commettants que la Montagne ne voulait la mort du roi que pour mettre le duc d’Orléans sur le trône.