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cence pour maintenir la fermentation et faire des manifestations.

À Paris, lors du renvoi de l’archevêque de Sens, il y eut de nombreuses manifestations. Le Pont-Neuf était gardé par la troupe, et plusieurs conflits éclatèrent entre la troupe et le peuple, dont les meneurs, remarque Bertrand de Moleville (p. 136), « furent ceux mêmes qui plus tard prirent part à tous les mouvements populaires de la Révolution ». Il faut lire d’ailleurs la lettre de Marie-Antoinette au comte de Mercy, datée du 24 août 1788, dans laquelle elle lui parle de ses frayeurs et lui annonce la retraite de l’archevêque de Sens et la démarche qu’elle fait pour rappeler Necker ; on comprend alors l’effet que ces attroupements produisaient sur la Cour. La reine prévoit que ce rappel de Necker fera « reculer l’autorité du Roi » ; elle craint « qu’on ne soit obligé de nommer un principal ministre » ; mais « le moment presse. » Il est bien essentiel que Necker y compte[1].

Trois semaines plus tard (le 14 septembre 1788), lorsqu’on apprit la retraite de Lamoignon, il y eut de nouveaux rassemblements. La foule se lança pour brûler les maisons des deux ministres, Lamoignon et Brienne,

  1. J. Feuillet de Conches, Lettres de Louis XVI, Marie-Antoinette et Madame Élisabeth, Paris 1864, t. I, pp. 214-216. — « L’abbé vous a écrit hier au soir, monsieur, et vous a marqué mon désir », écrivait la reine. « Je crois plus que jamais que le moment presse, et qu’il est bien essentiel qu’il (Necker) accepte. Le roi est bien franchement de mon avis, et vient de m’apporter un papier de sa main avec ses idées, dont je vous envoie copie. » Le lendemain, elle écrivait de nouveau : « Il n’y a plus à hésiter ; si demain il peut se mettre à la besogne, c’est le mieux. Elle est bien urgente… Je crains qu’on ne soit obligé à nommer un principal ministre. »