Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/486

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peuple y voyait au contraire le commencement d’une ère nouvelle, l’acheminement vers ce bien-être pour tous, que les révolutionnaires avaient promis aux déshérités.

Grande fut cependant la déception. Le roi avait péri, la royauté avait disparu ; mais l’insolence des riches allait croissant. Elle s’étalait dans les quartiers riches, elle s’affichait même, cette insolence, dans les tribunes de la Convention ; tandis que dans les quartiers pauvres la misère se faisait sentir, de plus en plus noire, à mesure que l’on avançait dans ce morne hiver de 1793, qui apportait le manque de pain, le chômage, la cherté des denrées, la chute des assignats. Tout cela, au milieu de tristes nouvelles arrivant de toutes parts : de la frontière, où les armées avaient fondu comme la neige ; de la Bretagne qui se préparait à un soulèvement général avec l’appui des Anglais ; de la Vendée, où cent mille paysans en révolte égorgeaient les patriotes sous la bénédiction des prêtres ; de Lyon, devenu citadelle de la contre-révolution ; de la Trésorerie, qui ne vivait qu’en faisant de nouvelles émissions d’assignats ; — de la Convention, enfin, qui piétinait sur place, sans rien entreprendre, s’épuisant en luttes intestines.

Tout cela, la misère aidant, paralysait l’élan révolutionnaire. À Paris, les travailleurs pauvres, les sans-culottes, ne venaient plus en nombre suffisant aux sections, et les contre-révolutionnaires de la bourgeoisie en profitaient. En février 1793, les « culottes dorées » avaient envahi les sections. Ils venaient en nombre, enlevaient des votes réactionnaires — à coups de trique, au besoin, — destituaient les sans-culottes fonctionnaires et