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de dix mille livres pour les célibataires et vingt mille livres pour les pères de famille. Si le revenu est supérieur à ce maximum, il est considéré comme superflu, et requis en entier pour l’emprunt. Ce principe fut adopté ; seulement la Convention, dans son décret du même jour, fixa le nécessaire à six mille livres pour les célibataires, et à dix mille pour les pères de famille[1].

On s’aperçut cependant, en août, qu’avec ces chiffres, l’emprunt produirait moins de deux cents millions (Stourm, p. 372, note), et le 3 septembre, la Convention dut revenir sur son décret du 22 juin. Elle fixa le nécessaire à mille livres pour les célibataires et quinze cents livres pour les gens mariés, plus mille livres pour chacun des membres de leur famille. Les revenus abondants étaient taxés d’un impôt progressif qui allait de 10 à 50 pour cent du revenu. Et quant aux revenus au-dessus de neuf mille livres, ils étaient taxés de façon à ne jamais laisser plus de quatre mille cinq cents livres de revenu, en plus du nécessaire qui vient d’être mentionné, — quel que fût le revenu du riche. Ceci s’appliquait d’ailleurs, non à un impôt permanent, mais à un

  1. Je suis ici l’ouvrage de René Stourm, Les finances de l’ancien régime et de la Révolution, 1885, t. II, pp. 369 et suivantes. Les discussions à la Convention furent très intéressantes. Cambon, en introduisant la question, le 20 mai 1793, avait dit : « Je voudrais que la Convention ouvrît un emprunt civique d’un milliard, qui serait rempli par les riches et les indifférents… Tu es riche, tu as une opinion qui nous occasionne des dépenses ; je veux t’enchaîner malgré toi à la Révolution : je veux que tu prêtes ta fortune à la République. » Marat, Thuriot, Mathieu avaient appuyé le projet ; mais l’opposition fut très forte. Il est à noter que c’est un département, celui de l’Hérault, qui avait pris l’initiative et donné l’exemple d’un emprunt de ce genre. Cambon le dit dans son discours. Jacques Roux, aux Gravilliers, l’avait déjà recommandé le 9 mars.