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volution, édition de 1869, t. I, p. 15) Et il demande : Que faisaient Barnave, Thouret, Sieyès, Vergniaud, Guadet, Roland, Danton, Robespierre et tant d’autres, qui vont devenir bientôt des héros de la Révolution ?

Dans les provinces, dans les villes, c’était le mutisme, le silence. Il fallut que le pouvoir central appelât les hommes à voter et à dire hautement ce qu’ils disaient tout bas, pour que le Tiers-État rédigeât ses fameux cahiers. Et encore ! si dans certains cahiers nous trouvons des mots audacieux de révolte — que de soumission, que de timidité dans le grand nombre, quelle modicité des demandes ! Car, après avoir demandé le droit de porter des armes et quelques garanties judiciaires contre l’arbitraire des arrestations, c’est surtout un peu plus de liberté dans les affaires municipales que demandent les cahiers du Tiers[1]. Ce n’est que plus tard, lorsque les députés du Tiers se verront soutenus par le peuple de Paris et que la révolte paysanne aura commencé à gronder, qu’ils s’enhardiront dans leur attitude vis-à-vis de la Cour.

Heureusement, le peuple se met en révolte, partout,

  1. En fait de demandes qui exciteront plus tard la fureur des propriétaires, il est bon de noter celles-ci : la taxe sur le pain et la viande, à établir d’après les prix moyens, est demandée par Lyon, Troyes, Paris et Châlons. Rennes demande que « le salaire soit réglé périodiquement sur l’étendue du besoin des journaliers », et plusieurs villes demandent qu’on assure du travail à tous les pauvres valides. Quant aux royalistes-constitutionnalistes — et ils étaient nombreux — on voit par le projet du « Cahier général », analysé par Chassin (Les élections et les cahiers de Paris en 1789, t. III, 1889, p. 185) qu’ils voulaient limiter les délibérations des États généraux à la question des finances et à des économies sur les frais de la maison du roi et des princes.