Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/62

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vrais. Ils existaient tous les deux. Le premier donna la force politique au Tiers-État ; tandis que les bandes d’insurgés qui dès l’hiver de 1788-1789 commencèrent à forcer les nobles à renoncer aux obligations féodales inscrites dans les terriers, se recrutaient parmi les miséreux des villages qui n’avaient qu’une cabane en terre battue pour logis, et des châtaignes ou le glanage pour nourriture.

La même remarque s’applique aux villes. Les droits féodaux s’étendaient sur les villes, aussi bien que sur les villages ; les classes pauvres des villes étaient aussi écrasées de redevances féodales que les paysans. Le droit de justice seigneuriale restait en pleine vigueur dans beaucoup d’agglomérations urbaines, et les cabanes des artisans et des manouvriers payaient les mêmes droits, en cas de vente ou d’héritage, que les maisons des paysans. Plusieurs villes payaient même au tribut perpétuel comme rachat de leur soumission féodale d’autrefois. En outre, la plupart des villes payaient au roi le don gratuit pour le maintien d’une ombre d’indépendance municipale, et le fardeau des impôts pesait surtout sur les classes pauvres. Si l’on y ajoute les lourds impôts royaux, les contributions provinciales et les corvées, la gabelle, etc., ainsi que l’arbitraire des fonctionnaires, les lourdes dépenses à subir dans les tribunaux, et l’impossibilité pour un simple roturier d’obtenir justice contre un noble, ou même un riche bourgeois, et si l’on pense à toutes sortes d’oppressions, d’insultes et de mortifications que l’artisan devait subir, on pourra se faire une idée de l’état des classes pauvres à la veille de 1789.

Eh bien ! c’est des classes pauvres que vint cette