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(11 mars 1794), par une circulaire ronflante adressée aux représentants en mission. Mais cette circulaire, comme le fameux discours de Saint-Just qui la suivit deux jours plus tard (23 ventôse), ne savait aboutir qu’à de la bienfaisance, à de la charité — très maigre, après tout, de l’État.

« Un grand coup était nécessaire pour terrasser l’aristocratie », disait la circulaire du Comité. « La Convention l’a frappé. L’indigence vertueuse devait rentrer dans la propriété que les crimes avaient usurpés sur elle… Il faut que la terreur et la justice portent sur tous les points à la fois. La Révolution est l’ouvrage du peuple : il est temps qu’il en jouisse. » Et ainsi de suite.

La Convention, cependant, ne fit rien. Le décret du 13 ventôse an II (3 février 1794), dont parla Saint-Just, se réduisait à ceci : Chaque commune devait dresser l’état des patriotes indigents, et ensuite le Comité de salut public ferait un rapport sur les moyens d’indemniser tous les malheureux avec les biens des ennemis de la Révolution. Dans ces biens on allait leur découper un arpent en propre. Pour les vieillards et les infirmes, la Convention décréta plus tard, le 22 floréal (11 mai), d’ouvrir un Livre de la bienfaisance nationale[1].

Inutile de dire que cet arpent eut l’air, pour les paysans, d’une simple moquerie. D’ailleurs, à part quelques localités exceptionnelles, le décret n’eut même pas un commencement d’exécution. Ceux qui n’avaient rien saisi eux-mêmes des terres, ne reçurent rien.

  1. Les cultivateurs vieillards ou infirmes y seraient inscrits pour un secours annuel de 160 livres, les artisans vieillards ou infirmes pour 120 livres, et les mères et les veuves pour 80 et 60 livres.