Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/746

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bêtes de trait inoccupées au labour étaient réquisitionnées pour porter aux quatorze armées de la République les provisions et les munitions. Il n’y avait pas de chemins de fer à cette époque, et les routes secondaires étaient dans l’état où elles sont aujourd’hui en Russie.

Une nouvelle France était née en ces quatre années de Révolution. Le paysan mangeait à sa faim, pour la première fois depuis des siècles. Il redressait son dos courbé ! Il osait parler ! Lisez les rapports détaillés sur le retour de Louis XVI, amené captif de Varennes à Paris, en juin 1791, et dites : Chose pareille, cet intérêt à la cause publique, ce dévouement pour elle, et cette indépendance de jugement, étaient-ils possibles avant 1789 ? Une nouvelle nation était née, tout comme en ce moment nous voyons naître une nouvelle nation en Russie, en Turquie.

Et c’est grâce à cette nouvelle naissance que la France fut capable de supporter les guerres de la République et de Napoléon et de porter les principes de la Grande Révolution en Suisse, en Italie, en Espagne, en Belgique, en Hollande, en Allemagne, — jusqu’aux confins de la Russie. Et quand, après toutes ces guerres, après avoir suivi les armées françaises jusqu’en Égypte et jusqu’à Moscou, on s’attend à trouver en 1815 une France appauvrie, réduite à une misère affreuse, dévastée, on y retrouve les campagnes — même celles de l’Est et du Jura — bien plus riantes qu’elles n’étaient du temps où Pétion, indiquant à Louis XVI les riches rivages de la Marne, lui demandait s’il y avait au monde un empire plus beau que celui-ci, dont le roi n’avait pas voulu ? Le ressort intérieur que contiennent