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Page:Kropotkine - La Guerre, 1912.djvu/13

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les compagnies de chemins de fer, les villes, les compagnies industrielles des cinq parties du monde se présentent à Paris pour faire un emprunt, c’est à ces quatre ou cinq banques qu’ils s’adressent. Ces banques ont le monopole des emprunts étrangers et disposent du mécanisme nécessaire pour les faire mousser.

Il est évident que ce n’est pas le talent des directeurs de ces banques qui créa pour elles cette situation lucrative. C’est l’État, — le gouvernement français d’abord, qui donna à ces banques sa garantie et constitua pour elles une situation privilégiée qui devint bientôt un monopole. Et puis ce sont les autres États, les États emprunteurs qui renforcèrent ce monopole. Ainsi le Crédit Lyonnais, qui monopolise les emprunts russes, doit cette situation privilégiée aux agents financiers et aux ministères des finances du gouvernement russe.

Les affaires brassées par ces quatre ou cinq Sociétés se chiffrent par des milliards. Ainsi, en deux années, 1906 et 1907, elles distribuèrent en emprunts divers sept milliards et demi, — 7.500 millions, dont 5.500 en emprunts étrangers (Lysis, p. 101). Et quand on apprend que la « commission » de ces compagnies lorsqu’elles organisent les emprunts étrangers est de 5 pour cent pour le « syndicat d’apporteurs » (ceux qui « apportent » de nouveaux emprunts), 5 pour cent pour le syndicat de la garantie, et de 7 à 10 pour cent pour le syndicat ou plutôt le trust des quatre ou cinq Sociétés que nous venons de nommer, — on voit quelles sommes immenses vont à ces monopolistes.

Ainsi, un seul intermédiaire qui « apporta » l’emprunt de 1.250 millions conclu par le gouvernement russe en 1906, pour écraser la révolution, toucha de ce fait, une commission de douze millions !

On comprend ainsi quelle influence occulte les grands directeurs de ces Sociétés financières exercent sur la politique internationale. Avec leur comptabilité mystérieuse, avec les pleins pouvoirs que certains directeurs