Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/534

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mensuelle anarchiste, communiste, intitulée Freedom, qui vit encore aujourd’hui. En même temps, je repris mon travail sur l’anarchie, que j’avais dû interrompre lors de mon arrestation. La partie critique en fut publiée par Élisée Reclus, pendant mon incarcération, sous le titre de Paroles d’un Révolté. J’étudiais maintenant la partie constructive d’une société anarchiste-communiste — autant que cela peut être fait d’avance — dans une série d’articles publiés à Paris dans La Révolte. Notre « gamin », Le Révolté, poursuivi pour fait de propagande antimilitariste, fut obligé de changer de nom et il parut alors sous un nom féminin. Plus tard, ces articles, considérablement remaniés, ont été publiés en volume sous le titre de La Conquête du Pain.

Ces travaux me forcèrent d’étudier plus à fond certains points de la vie économique des nations civilisées. La plupart des socialistes avaient dit jusqu’ici que les sociétés civilisées actuelles produisent beaucoup plus qu’il n’est nécessaire pour assurer le bien-être de tous. C’est seulement la répartition des richesses qui est défectueuse : et si une révolution sociale avait lieu, chacun n’aurait qu’à retourner à sa fabrique ou à son atelier, tandis que la société prendrait possession pour elle-même de la plus-value ou des bénéfices, qui vont actuellement aux capitalistes. Il me semblait, au contraire, que la production elle-même avait pris sous le régime de la propriété privée une fausse direction, qui l’empêche de fournir en quantité suffisante tout ce qui est nécessaire à la vie. Aucun de ses produits n’excède la quantité nécessaire au bien-être de tous ; et la surproduction, dont on a tant parlé, signifie seulement que les masses sont trop pauvres pour acheter même ce qui est considéré comme nécessaire pour vivre convenablement. Mais dans tous les pays civilisés, la production, tant agricole qu’industrielle, devrait et pourrait être considérablement accrue afin d’assurer à tous une vie d’abondance. Cela m’amena à rechercher quelles peuvent être les ressources de l’agriculture