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LA FILLE

refuse rien : voulez-vous vous joindre à moi pour le prier de laisser Élise venir demeurer avec nous ?

— Ma chère Julienne, dit Helmina touchée du bon cœur de son amie, comme vous me touchez ! comme vous m’intéressez ! j’attendais que vous me fissiez cette demande pour la faire ensuite moi-même à mon père. Oui, Julienne, nous lui demanderons ; oui, ce seront nos premières paroles à son retour. Pauvre Élise, oui, elle viendra avec nous ; nous partagerons ses peines, elle partagera les nôtres.

— Merci, ma bonne Helmina, dit Julienne en se jetant dans ses bras, et en la serrant contre son cœur, merci, merci ! Pauvre Élise, comme elle va être contente !

— Mais, Helmina, ajouta Julienne, après quelques instants donnés à sa joie, si vous n’étiez pas fatiguée et si vous ne vous endormiez pas trop, j’aimerais à entendre raconter votre histoire. Mais non, tenez, ça n’aurait qu’à vous rendre malade encore, je me reprocherais cela toute ma vie.

— Ne craignez rien, Julienne : d’ailleurs, mon histoire n’est pas longue, et ne retardera pas longtemps votre repos.

« Il est d’usage lorsqu’on raconte sa vie, de commencer par parler de ses parents ; malheureusement, ma chère Julienne, je ne puis rien vous dire d’eux ; je n’ai jamais connu ma mère, elle mourut en me donnant le jour ; quant à mon père, vous le connaissez comme moi ; vous savez qu’il s’appelle Jacques, voilà tout ce que je sais moi-même. Que fait-il, où agit-il, quelle est sa vie ? je l’ignore. Est-il d’une bonne famille, est-il riche, est-il respecté ? je l’ignore encore. Pourquoi sa conduite est-elle aussi mystérieuse ? j’ignore tout enfin, ma chère amie.

« Depuis que j’ai l’âge de connaissance, jamais mon père n’a passé deux jours de suite avec moi ; jamais je n’ai pu lui arracher le moindre aveu sur la nature de ses affaires. N’est-il pas désolant pour une jeune fille comme moi, de vivre inconnue, loin de tout le monde ? N’est-il pas pénible pour moi d’être dans