Page:L'œil ouvert ! - Bourassa et l'Anti-Laurierisme, 1911.djvu/42

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délit de mensonge, mais enfin, c’est une satisfaction pour tout le monde de constater qu’il a menti, en comparant simplement ce qu’il a écrit et signé dans le « Devoir » et ce qu’il a dit, d’après le compte-rendu sténographié du « Devoir », à St-Hyacinthe.

Cette preuve faite, indiscutable, le public n’a plus devant lui qu’une accusation à laquelle l’accusé ne peut opposer que des mensonges variant d’une occasion à l’autre. Et cette accusation reste, par conséquent, collée aux épaules du pur entre les purs, comme un manteau de Nessus ; elle le brûle et il a beau se débattre, il ne peut s’en débarrasser.

Et d’après toutes les règles de la logique et du bon sens, il est maintenant établi que M. Bourassa a sollicité trois places, y compris les émoluments ;

Que sa haine contre Sir Wilfrid Laurier et ceux qui lui sont restés fidèles provient de son désappointement de n’avoir eu aucune de ces trois places.

Et que, si Sir Wilfrid Laurier avait voulu, M. Bourassa, au lieu de tonner aujourd’hui contre la marine, serait pourvu d’une « grasse prébende » qui lui ferait garder le silence.

Qu’en pensez-vous, ô bons nationalistes ?


LES DANGERS DE LA POLITIQUE


La politique a ses dangers, comme toutes les carrières. Ainsi, voyez ce qui arrive à M. Bourassa, le gardien de nos droits, pour avoir eu l’œil ouvert sur la conférence de Londres.

LE RETOUR DE SIR WILFRID LAURIER


MONK À BOURASSA — Mais est-il assez bête notre chien, de se mettre ainsi sur le chemin du bagage de Sir Wilfrid Laurier !
BOURASSA — Je te dis que c’en est fait ; notre chien est mort !


S’IL EUT VOULU


Monsieur Henri Bourassa, qui s’est arrogé le droit de fixer « le vrai terrain de la lutte » dans la présente campagne électorale, voit des scandales partout. Depuis son voyage à Washington, Monsieur Bourassa est bien scrupuleux ! À l’entendre, il n’y a plus rien de bon dans le parti libéral. Aujourd’hui il faut sortir du parti libéral pour être un vrai libéral et un honnête homme. Si je ne craignait de commettre une irrévérence à l’égard de quelqu’un, je serais tenté de dire que dans l’esprit de ces messieurs, le parti libéral est comme un jardin qu’ont fui les crapauds qui dévoraient les insectes… Mais ce ne serait pas respectueux, je crois. Passons.

C’est une bien belle âme que Monsieur Bourassa. Sa conscience a toute la pureté virginale d’une jeune fille qui n’a pas encore cueilli, de ses doigts innocents, la fleur du mal. En grand seigneur qu’il est, il pousse jusqu’au culte le souci de l’honneur. Son cœur politique est revêtu d’une cuirasse légère, mais faite d’un métal impénétrable qui s’appelle l’infinie délicatesse ( ce métal se rencontre au bord des flots bleus de la Méditerranée, où vont muser les philosophes dégoûtés de la décadence de leur pays ; et d’aucuns s’en font des vestes. La vérité seule a prise sur lui, et ce grand homme, que son désintéressement bien connu attire irrésistiblement vers toutes les bonnes causes, s’est fait agent d’assurance contre le mensonge.

Mais je n’ai pas l’intention de faire ici l’éloge de Monsieur Bourassa, bien que j’en aie une forte tentation chaque fois que son nom revient sous ma plume. Je ne veux pas non plus (les journaux en ayant assez parlé) m’occuper du manifeste qu’il a lancé en réponse à ceux du premier ministre et du chef de l’opposition. On devait d’ailleurs s’y attendre, à ce manifeste, Monsieur Bourassa ayant l’habitude d’avoir des idées à lui, bien à lui, et qu’il se forme après avoir vu celles des autres. On sait aussi avec quel sans-gêne il entend qu’on ne discute que les questions qu’il propose lui-même à la considération des électeurs. Mais il ne faut pas s’en étonner. Celui qui se fait fort « d’engueuler » les princes de l’Église n’est pas tenu à une plus grande modération envers de simples laïques si haut placés qu’ils puissent être. Aux yeux de Monsieur Bourassa, l’existence même du gouvernement Laurier est un scandale… depuis 1905. À plus forte raison en est-il ainsi de chacun de ses actes. Le pays eût alors pu être sauvé. Il eût suffit d’un peu de complaisance. On ne l’a pas voulu, et ce pauvre Monsieur Laurier en a été dûrement puni. Quelles qu’aient pu être ses bonnes intentions, tout ce qu’il a fait a tourné en mal. Ce que les tories d’Ontario ont appelé « son aplatissement devant la province de Québec » n’a été qu’une lâche trahison des intérêts des Canadiens-français. Sa lutte victorieuse contre les envahissements de l’impérialisme n’a été, après tout, qu’une tentative de détruire l’autonomie du Canada. Son entourage officiel ne se compose que de loups affamés qui, pour satisfaire leur appétit, mènent le pays à l’anéantissement matériel et moral.

Oh ! si Monsieur Bourassa eût été placé dans le fauteuil de président de la Chambre !

Oh ! si Monsieur Bourassa eût été nommé commissaire canadien à Paris !

Comme tout ce serait passé autrement ! Comme le pays serait bien conduit, administré honnêtement ! Il n’y aurait pas eu de scandale, pas de sacrifice de nos intérêts nationaux, pas de déni de justice à la province de Québec. Monsieur Laurier aurait pu être un grand homme et n’aurait pas été condamné à finir dans l’infamie une carrière qui semblait devoir être si glorieuse.

À quoi tiennent les choses de ce monde !

À un fil !… un fil au bout duquel était accroché un pantin. Le fil a cassé, ou a été coupé, et tout a changé. Polichinelle a voulu se faire Savonarole, et a résolu de combattre tout ce qui ne voulait pas plier sous sa loi, ce qui est à ses yeux le plus pendable de tous les crimes. Il suffit d’être partisan de Sir Wilfrid Laurier pour mériter tous ses anathèmes. Il ne sera content que le