Page:L'œil ouvert ! - Bourassa et l'Anti-Laurierisme, 1911.djvu/5

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La Raison de ce Livre.


M. Bourassa prend dans la présente campagne électorale une position nette.

Il se pose en face de Sir Wilfrid Laurier et déclare, de sa propre autorité que le partage des choses est mal fait.

M. Bourassa affirme que celui qui devrait être premier ministre, C’EST LUI-MÊME.

Personne ne l’y a convié.

Mais il est convaincu que les choses n’iront pas bien tant qu’il ne les mènera pas à sa guise.

Comme il y a quelques jeunes turbulents qui entonnent derrière lui la même chanson, convaincus qu’un bouleversement du pays peut seul les mettre en vedette, nous croyons devoir faire connaître sur M. Bourassa l’opinion de personnes qui le connaissent bien.

Nous avons réuni ci-après sur le compte de ce monsieur quelques documents authentiques dont nous recommandons la lecture à ceux qui seraient enclins à se laisser prendre aux tapageuses déclamations de M. Bourassa et de ses comparses, MM. Omer Héroux, Jean Dumont et Tancrède Marcil.

Nous ne comptons pas dans le nombre M. Monk dont on se sert pour donner au parti nationaliste un cachet de respectabilité qui manque aux arrivistes et écervelés nationalistes.


L’ŒIL OUVERT.

« Ayons l’ŒIL OUVERT sur l’attitude de Laurier à la conférence de Londres ».
(M. Bourassa — « Le Devoir ».)


Or, le Maître avait dit à la foule : « Laurier, cet infidèle et ce traître, est parti pour assister au grand Conseil des nations. Du haut de cette montagne, je verrai l’assemblée immense où paraîtra cet ennemi de la race : et cependant que vous resterez dans la plaine, j’aurai l’ŒIL OUVERT et je veillerai pour vous ».

Il monta, lentement, avec effort, la pente abrupte et désolée du mont chauve, où le soleil cuisait les pierres et desséchait les buissons ; et là-haut, plongé dans une indicible extase, ses deux bras dessinant sur le ciel le geste suprême de l’attente, il regardait, l’œil grand ouvert. Son fidèle disciple prosterné à ses pieds attendait qu’il parlât, dans une attitude de recueillement profond.

Soudain le Maître tressaillit. Là-bas, au pied du mont, de l’autre côté de l’horizon, les grands de la nation s’assemblaient : et il vit soudain Laurier paraître au milieu d’eux, recevoir leurs ovations et prendre place à l’un des premiers rangs.

— Faut-il en avertir la foule ? demanda le disciple.

— Paix, Omer ! reprit le Maître : ne t’inquiète de rien. Je te dirai quand il sera temps de parler à cette vile plèbe.

Et son œil restait toujours grand ouvert à la cime de la montagne, dans la lumière.

Puis il vit Laurier se lever : et par un miracle d’affinité et d’intuition, il entendait tout ce qui se disait en l’auguste assemblée. Laurier s’objectait à ce qu’on établît une fédération des peuples de l’Empire : il voulait que chacun d’eux restât libre, pour la grandeur de tous.

Faut-il répéter cela à la foule ? demanda Omer.

— Pas encore, reprit le Maître.

L’œil regardait toujours.

Cette fois, Laurier parlait d’autonomie ; et le bruit de sa voix montait sur les ailes du vent. Il voulait son pays plus libre encore dans l’exercice de ses traités. Le Maître, que cette voix venait baigner de ses effluves était pâle et chancelant. Et son disciple lui ayant renouvelé sa question, il lui dit :

— N’apprends rien à cette foule stupide. Mais gardons encore l’œil ouvert, jusqu’à la fin.

Laurier continuait de parler. Il demandait maintenant qu’on crée autour de son pays une zone maritime libre.

— Cette fois, faut-il le dire ? demanda Omer.

— Non, non ! reprit le Maître, d'une voix si terrible que le tonnerre ébranla le faîte de la montagne.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Cependant, dans la plaine nue, la foule attendait, attendait.

Aucun message ne venait vers elle, aucun signe du grand Voyant monté là-haut pour regarder.

Un sceptique, qui passait dans les rangs pressés des fidèles, et décourageait leur es-