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comme pour une illumination. À ce moment, on entendit frapper à la porte de la petite chambre. La fille du pasteur se mit à jouer pendant que tous regardaient vers la porte. La porte s’ouvrit et des applaudissements frénétiques saluèrent la danseuse qui apparaissait la robe relevée et ceinte d’une écharpe romaine.

C’était la « Grande Napolitaine » qu’elle allait mimer.

Elle marchait sur la pointe des pieds et tournoyait. Ses pieds, qui se mouvaient rapides comme des baguettes de tambour, stupéfiaient l’assistance d’admiration. Ce fut du délire quand elle se reposa net sur une jambe.

Elle disait : plus vite ! et recommençait à tournoyer, souriant, saluant. Du torse, des bras, elle faisait une mimique indescriptible. Elle ne voyait plus le visage des assistants, elle ouvrait la bouche, souriait, montrait toutes ses dents (d’horribles dents) — elle saluait, posait — et, toute à son art, ne savait, ne sentait que le Solo.

Le Solo !

Ce n’était plus la « Grande Napolitaine ». C’était Fenella, Fenella qui s’agenouillait, Fenella qui priait, — la Fenella tragique…

— Elle ignorait comment elle s’était relevée, comment elle était sortie. Elle n’avait entendu que la musique, qui s’arrêta tout à coup — et les rires — les rires, tandis que soudain, elle vit tous ces visages. Elle s’était relevée et elle avait étendu les bras une dernière fois — par habitude — et elle s’était inclinée, tandis qu’ils criaient…

Dans la petite chambre elle demeura un instant près de la table… c’était si sombre autour d’elle, si infiniment vide. Alors elle détacha lentement l’écharpe, les mains singulièrement raides, baissa la robe et rentra silencieusement, — tandis qu’ils continuaient à applaudir. Elle alla près du piano, et fit une révérence, mais sans quitter le plancher des yeux.

Ils avaient hâte de recommencer la danse. Mlle Irène, pensive et silencieuse, fit ses adieux aux parents et à ses élèves. Ceux-ci lui pressaient la main et lui remettaient l’argent de ses leçons, qu’ils avaient discrètement enveloppé dans un papier.

La femme de Peter Madsen l’aida à revêtir ses habits. Puis la fille du pasteur et le vicaire firent route ensemble avec elle. Ils allèrent silencieusement le long du chemin. La fille du pasteur, s’associant à la douleur de la vieille danseuse, cherchait à la réconforter et à la distraire, mais elle ne savait que dire. Mlle Irène, pâle et silencieuse, continuait à marcher à côté d’eux. Après un moment le vicaire chercha à briser la glace :