Page:L'Humanité nouvelle, année 4, tome 2, volume 7.djvu/5

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n’est pas une vaine superstructure ; c’est un fondement, une assise.

Les conceptions, ou plutôt les sentiments et les choix esthétiques subissent, par contre-coup, la même commotion.

L’art vit sur les idées générales de son temps, il se nourrit de la moelle des religions et des philosophies dominantes, comme les religions et les philosophies vivent sur les hypothèses et les recherches du savant et s’assimilent le meilleur des sciences particulières.

L’art du peuple s’appuie sur les croyances populaires, qui, à leur tour, dérivent du savoir à la portée du grand nombre et effectivement possédé par lui (religion, savoir relatif, si justement taxé d’ignorance).

Et l’art raffiné ou ésotérique s’appuie sur les philosophies subtiles acceptées par les minorités cultivées, philosophies qui tirent leur substance d’un savoir plus étendu et plus profond.

En dernier lieu, nos connaissances particulières, nos idées, nos croyances générales, et nos sentiments, nos goûts esthétiques forment tout l’appareil directeur, gouvernail et voilure, de cette nef imposante, l’action pratique. Il serait puéril d’insister sur ce point.

L’acte obéit à la pensée, dont il extériorise et amplifié simplement, pour ainsi dire, les mouvements intimes, brefs, rapides et cachés. Et toute orientation nouvelle de l’esprit, dans la science, dans la philosophie, dans l’art, influe puissamment sur nos modes d’agir qu’elle bouleverse d’abord, qu’elle change et transforme ensuite.

Je conclus. C’est dans la série psychosociale tout entière, bien plus que dans son premier tronçon, la série scientifique, qu’il faut aller chercher les signes précurseurs ou annonciateurs de ce fait capital : la constitution d’une science, c’est-à-dire, en somme, l’épuration et l’affinement, par des méthodes que la raison approuve, d’un savoir demeuré jusque là indégrossi et empirique.

Les conditions que doit pouvoir remplir une discipline « constituée » sur des bases rationnelles sont de trois sortes. Les unes, plus intimes, ne dépassent pas les limites de la science elle-même ou, plutôt, de sa méthodologie. Les autres s’étendent déjà à la série scientifique, elles visent les rapports entre la nouvelle discipline et le reste des sciences.

Dans cette catégorie se range l’un des deux points indiqués par l’école positiviste, le seul que je puisse retenir, car le second point, l’établissement d’une doctrine abstraite susceptible d’évolution, m’apparait comme une tautologie indéfendable. Ce point, c’est la reconnaissance d’un quid proprium, d’un objet spécial d’investigation qui soit (ou qui nous paraisse) irréductible aux faits étudiés par les sciences voisine.

Enfin les conditions de la troisième sorte franchissent ce double cercle concentrique et embrassent tous les membres de la série psychosociale.

Ces conditions visent les rapports qui tendent à s’établir entre la science en voie de se constituer et les trois autres grandes classes de faits intellectuels, de produits psychosociaux ; la philosophie (et respectivement la religion), l’art et l’action, le travail qui récolte les moissons pratiques du savoir et de la pensée.

Il est à remarquer, d’ailleurs, que, puisque la série scientifique forme