Page:L'envers de la Guerre - Tome 1 - 1914-1916.djvu/82

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habite dans la banlieue, à Saint-Cyr-sur-Loire, un petit château appelé la Bèchellerie. Nous causons quatre heures d’après-midi. Il me semble inquiet des Russes. Mais ce qui domine en lui, c’est une impression de faillite de sa foi en l’humanité. Il me dit qu’il est près de croire que les hommes ne cesseront plus de se battre. Il exprime la crainte d’en devenir fou. Néanmoins, il a pu achever en quelques semaines un livre, Le Petit Pierre. Sa maison est charmante. Il fait installer, au fond du jardin, une bibliothèque dans l’ancienne orangerie.

— Le 24. On voit toujours, dans la Roumanie, le poids qui ferait pencher la balance du côté des alliés. Or, on me raconte que Bratiano, président du Conseil, a enlevé la femme de Marghiloman, il y a dix ans. Conséquence : Bratiano étant pour l’intervention, Marghiloman s’érige en chef de l’opposition. Le sort de l’Europe dépendrait d’une histoire de femme ?

— On me conte aussi des scènes historiques entre le roi de Roumanie, un Hohenzollern, et sa femme, une Anglaise. Il dit que les Allemands sont les plus forts et qu’il veut conserver sa couronne. Il s’efforce de convaincre la reine de la supériorité allemande, lui montre des plans. Vaincue par instants, elle dit : « C’est vrai. Ils sont forts. »

— On met en vente un petit réchaud qui s’appelle la « Joffrette ». Charmant à peu près.

— Le dimanche 21 février, Mme Thomson a vu Joffre à Chantilly. Son mari allait traiter une question postale. Elle-même était restée dans la voiture. Le général l’a fait monter. Elle était émue aux larmes. Son mari a rappelé qu’elle était la petite-fille du Crémieux de la défense nationale en 1870 ; elle a tourné son compliment à Joffre, qui « tient le