Page:Léo - Jean le sot.djvu/30

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ton, qui, jusque-là, s’était gouverné lui-même.

Jean s’en revint transporte, pensant à ces choses, et tenant dans sa main l’aiguille pour les matelas qu’il rapportait à sa femme. Certaine affaire l’ayant détourne dans un pré, derrière une hale, il s’arrêta près d’un tas de foin, arrondi comme une pelote et, pour se débarrasser de l’aiguille, un moment il l’y piqua. Seulement, il eut beau la chercher ensuite, il ne put la retrouver, et s’en revint tout penaud à la maison. Il racontait à sa femme l’affaire du prince, et ne tarissait point là-dessus, quand elle lui dit :

— Et mon aiguille !

— Ce n’est pas ma faute, dit Jean, si elle s’est perdue ; je l’avais piquée dans une meule de foin.

— Ah ! malheureux ! s’écria-t-elle, tu ne feras jamais, du petit au grand, que des sol tises. Il fallait la piquer dans le collet de ta veste. Ainsi, tu ne l’aurais point perdue.

— Une autre fois, dit Jean, sois tranquille, je le ferai.

Car il aimait trop sa femme pour ne pas souffrir de ses remontrances et s’efforcer de la contenter.

Une autre fois donc, étant allé chercher un soc de charrue, il le rapportait sur son épaule quand, se rappelant la recommandation de sa femme, il l’en retira et le piqua dans sa reste, ce qui y fit, comme de juste, un grand trou, outre que cela pour la marche était fort gênant. Mais il avait une si grande bonne volonté, qu’il supporta cet ennui. Aussi donc, fut-il bien fâché quand il se vit injurié par sa femme à l’arrivée, pour avoir fait ce qu’elle avait dit.

— Hélas ! comment donc m’y prendre ? se disait-il avec désespoir ; J’ai beau lui obéir en tout, elle n’est pas contente !

ANDRÉ LÉO.

(La suite à un prochain numéro)