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FEUILLETON DU TEMPS
DU 20 MARS
CONTES POPULAIRES

JEAN LE SOT

Dans l’étable aux moutons, qu’il ne soignait pas d’ordinaire, Jean s’assit et se mit à manger en les regardant. Les moutons firent de même, et, se tournant vers lui, se mirent à le regarder de leurs yeux clairs et stupides ; et, comme il remuait ses mâchoires en mangeant, eux ruminaient aussi leur pâture. Jean le Sot, voyant cela, imagina qu’ils se moquaient de lui, car à force de le railler, on l’avait rendu susceptible à sa manière, c’est-à-dire à tort et à travers.

Dans cette idée, il fit aux moutons des signes terribles pour leur ordonner de cesser pareille insolence ; mais ils continuèrent, bien entendu. Jean alors entra en fureur, se jeta sur eux et les poursuivit. Le pauvre troupeau, tout éperdu, fuyait devant lui, se dispersait un peu et s’allait reformer dans tous les coins, comme une grappe vivante. Mais, dès que Jean, leur laissant un peu de répit, s’arrêtait en leur criant :

— Avez-vous fini ? En avez-vous assez, maintenant, canailles ?

Ils se remettaient à ruminer, c’est-à-dire à balancer la mâchoire de droite à gauche et de gauche à droite ; et Jean, de plus en plus furieux, les poursuivait de nouveau ; tant et si bien que, d’un côté, la colère s’exaltant jusqu’à la rage, et, de l’autre, la peur jusqu’à la folie, les pauvres bêtes firent des sauts jusqu’au plafond de l’éta-