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UN DIVORCE

tu savais ! une idée que je n’ose vraiment pas dire, et qui pourtant me fait bien du mal. Si c’était vrai ? Oh !…

Elle voulait le dire cependant, et, Mathilde ne l’aidant point, elle reprit :

— Cela m’est venu dans l’esprit sur un mot qu’on a prononcé devant moi l’autre jour. Si je pouvais croire !… Oh ! non, ce serait trop odieux !

— Eh bien quoi ? qu’est-ce que c’est ?

Claire hésita et garda le silence un moment ; mais, avec sa rude interlocutrice, il ne fallait pas compter sur de banales complaisances ; elle le sentit, et, se décidant :

— Ma chère, il paraît qu’il a aimé cette Fonjallaz autrefois, avant notre mariage, et maintenant il a quitté le café Jorand, et c’est toujours chez elle qu’il va. Comprends-tu ? On l’en a plaisanté l’autre jour. Oh ! quand j’y pense ! Si je croyais mon mari capable de me trahir !… mais c’est impossible, n’est-ce pas ?

— Impossible, assurément non, répondit Mathilde ; les hommes, généralement, n’ayant de respect ni pour la morale, ni pour eux-mêmes.

Elles continuèrent ainsi, disant chacune sa pensée tour à tour, mais ne pouvant s’entendre et se fatiguant mutuellement. Mathilde n’était pas faite pour le rôle de consolatrice, et Claire ne savait employer ses forces qu’en regrets ou en désirs.

Cependant on avait remarqué la tristesse de madame Desfayes dans le petit cercle de sa famille et de ses amis, et chacun donnait son avis à ce propos. Madame Grandvaux assurait que l’ennui de Claire venait de trop de loisir, et ajoutait sagement que le travail empêche qu’on se forge de petites peines, et même étourdit les grandes. Aussi attendait-elle avec impatience la naissance d’un petit-fils.