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UN DIVORCE

souriait à des rêves dont tous ces mignons objets, épars autour d’elle, révélaient suffisamment l’objet.

À ce moment, Mathilde entra. Elle venait attendre chez sa cousine l’heure de se rendre à Beausite, et engagea madame Desfayes à l’y accompagner. Mais celle-ci refusa : elle avait tant d’ouvrage !

— Pour ce petit enfant ? Mais tu ne l’attends que dans trois mois.

— C’est égal, je n’aurai jamais le temps de tout achever. Il faut tant de choses ! C’est que, vois-tu, je veux que tout soit complet et charmant.

— Tu es donc bien heureuse d’être mère ? demanda Mathilde avec une sorte de curiosité mêlée de dédain et d’intérêt.

— Oh ! je ne puis pas te dire !… Je voudrais le voir déjà, le tenir dans mes bras ! Je ne le quitterai pas d’une minute, et moi seule je le soignerai !

Mathilde devint rêveuse, et un nuage passa sur son front.

— Quelle différence de sort ! dit-elle. Un autre enfant va naître dans notre famille, et celui-là…

— Quoi ! l’enfant de cette heimathlose ? s’écria Claire. Tu oses le dire de notre famille !

— Mon neveu, assurément, répliqua Mathilde, et que tu veuilles ou non le permettre, le tien aussi, quoique à un degré plus éloigné.

— C’est un scandale ! Il faudrait renvoyer cette fille à ses parents dès qu’elle sera accouchée.

— Mais l’enfant ?

— Le mettre en nourrice.

— Et crois-tu qu’elle consente à s’en séparer ?

— Que veux-tu qu’elle en fasse dans une pareille situation ? répondit la jeune mère avec nonchalance.