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UN DIVORCE

ces deux jours à Morges et à Vevey, pour affaires. Et elle, d’une voix… comme si elle l’aimait : « Si vous m’aviez avertie du moins ; on ne cause pas ainsi du chagrin à ceux qui vous aiment ; c’est mal ! » Et tout bas, lui : « Pardonne-moi… » Oui, je l’ai entendu !… Je crois même qu’il était à ses genoux, mais je n’ai pu voir. Ils changeaient de place. Je crois qu’elle faisait semblant de s’éloigner… Oh ! que je suis malheureuse, Mathilde ! trop malheureuse ! Enfin, le croiras-tu ? il lui a promis ce qu’elle voulait, de l’argent, cette horrible femme ! et… j’ai vu cela, car ils étaient alors en face de moi… il l’a prise par la taille, et ils se sont embrassés… Mathilde, je voulais entrer ; je l’aurais tuée… mais alors mon enfant s’est agité, j’ai eu peur pour lui ; je suis revenue. Mon Dieu ! mon Dieu ! je voudrais mourir !

Elle se rejeta sur les coussins en exhalant des gémissements.

Les sourcils froncés, la bouche contractée, Mathilde pressait les mains de Claire sans parler.

— Eh bien ! demanda-t-elle tout à coup, que vas-tu faire ?

— Moi ? dit la jeune femme, le sais-je ? Et que puis-je, mon Dieu ? Oh ! je te le dis, je voudrais mourir !

— Ce n’est pas une décision, cela, reprit Mathilde. Te voilà, ma pauvre Claire, dans une des situations les plus graves où une femme se puisse trouver : ton amour trahi, la paix de ton intérieur détruite, votre fortune en danger ; car, tu le vois, cette femme n’est pas seulement légère, mais avide.

— Dix mille francs ! s’écria Claire en joignant les mains, tandis que ses yeux s’agrandissaient à fixer cette énormité. Dix mille francs qu’ils doivent, pour des vins, je crois, avec M. Monadier. C’est après-demain qu’échoit