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UN DIVORCE

cousine, que je serais aussi malheureuse ! Je ne croyais pas même autrefois qu’on pût être malheureux ; je l’entendais dire, mais il me semblait que cela ne me regardait point. Qu’ai-je fait ? Comment ai-je mérité de tant souffrir ? Oh ! vois-tu, j’en deviendrai folle !

Elle se leva, marcha dans la chambre, se tordit les mains, puis retomba de nouveau sur le canapé, tremblante, épuisée. Le pied de Mathilde battait le plancher, et l’on voyait, à l’expression de ses traits, que l’impatience commençait à la gagner.

— Tu perds le temps en vaines plaintes, dit-elle. Bientôt, dans une heure peut-être, tu vas te trouver en présence de ton mari. Si tu ne sais pas agir avec décision et fermeté, tu es à jamais perdue ; tout le reste de ta vie, il te foulera sous ses pieds.

Madame Desfayes essuya ses larmes et regarda sa cousine.

— Eh bien, que faut-il faire ? voyons.

— Avant tout, serais-tu capable de lui pardonner ?

Claire fondit en larmes.

— Ah ! dit-elle, s’il revenait à moi sincèrement !…

— Soit ! reprit mademoiselle Sargeaz, dont l’air disait assez qu’à la place de Claire elle n’eût point admis de pardon. Soit ! Alors tu exigeras qu’il choisisse entre toi et sa maîtresse, et qu’il te donne des garanties formelles, sans quoi tu quitteras dès demain cette maison.

— Tu crois ? murmura la jeune femme, qu’un frémissement parcourut de la tête aux pieds.

— À moins que tu ne consentes à le partager avec madame Fonjallaz, dit Mathilde avec mépris.

— Tu as raison, s’écria Claire. Oui, je lui dirai cela, je le lui dirai ; car des reproches seraient peu de chose pour lui. Mes larmes, il les a vues plus d’une fois, et elles