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UN DIVORCE

effrontée, une femme sans éducation, une maîtresse de café ! est-ce que ces créatures-là me font quelque chose ? je les méprise, je ne m’occupe pas de ça, je ne connais pas ça du tout. Mais vous m’avez trompée ! vous m’avez trompée, Ferdinand !… Moi, je croyais que tu m’aimerais toujours ; tu me l’avais dit… Vous me l’avez juré dans le temple, en prenant les hommes à témoin… et Dieu. J’étais votre femme. Vous m’aviez tant dit que nous serions heureux ensemble. Vous me l’aviez dit avec la voix d’un honnête homme, et je l’ai cru. Je ne croirai plus à rien, maintenant. Ma tête va éclater, je le sens ; je ne puis plus vivre ; mais je dirai à tout le monde, avant de mourir, que c’est votre trahison qui m’a tuée. Et je dénoncerai cette femme aussi, pour qu’on la méprise, qu’on la chasse, et que son mari la batte, l’écrase, la foule aux pieds !…

— Claire, apaise-toi. Tâche de m’écouter un peu et d’être plus raisonnable. Voyons ! tu te fais un mal affreux. Je te répète que cette femme n’est pas ma maîtresse. Claire, calme-toi ! songe à ton enfant !

— L’enfant ! (Les sons de sa voix sortaient avec peine, éclatants et brisés.) L’enfant ! votre enfant ! Je l’emporterai avec moi dans la terre du cimetière. Il ne vous restera rien… plus rien… que votre adorable…

Sous l’étreinte d’une violente attaque de nerfs, elle se renversa en arrière, près de tomber. M. Desfayes la porta sur son lit et la soigna seul, attentif, mais silencieux, les sourcils froncés, et semblant raidir sa patience contre cette épreuve.

Dès qu’une prostration profonde eut succédé à la crise, il appela Louise. On établit la malade plus commodément dans son lit. On lui fit prendre un cordial, et, quand on l’eut replacée anéantie, les yeux à demi ouverts,