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UN DIVORCE

souffrir, puisqu’elle a l’esprit indépendant et qu’elle ne croit pas à la Bible, ni à la sujétion des femmes.

— Comme cela, elle vous conviendrait, à vous ? demanda Ferdinand en s’arrêtant et en regardant Camille fixement.

Celui-ci partit d’un éclat de rire.

— Eh bien ! ma foi ! non. Pour être franc, je l’avoue, j’aime mieux la laisser épouser aux autres.

— Vous voyez bien, mon cher, je vous le disais : Voilà comme vous êtes conséquent dans vos théories !

Et sur ce mot, profitant de son avantage, le lieutenant fédéral de carabiniers se dirigea rapidement vers la maison, sans laisser à son compagnon le temps de répondre.

— Bonjour, Jenny, dit Camille, en s’adressant à une grosse fille barbouillée qui parut au seuil de la cuisine. Pouvons-nous voir ces dames et M. Grandvaux ?

— Monsieur et mademoiselle Anna sont à la cour, répondit Jenny en jetant un coup d’œil d’intelligence derrière la porte de la cuisine, où se cachait probablement la maîtresse du logis.

— Bien. Allons à la cour, dit Camille. Et, suivi de Ferdinand, il se dirigea vers la ferme.

La ferme vaudoise ressemble peu aux fermes françaises. Ni troupeaux de moutons, ni chèvres grimpantes, ni généralement tous ces commensaux ailés dont la liberté criarde répand autour de la maison rurale tant de vie. Souvent même la charrue en est absente ; le blé, bonne petite plante aux mœurs placides, ne se plaisant ni aux pentes folles ni aux bords escarpés. La vigne, en revanche, couvre les collines, gravit les monts, grimpe aux rochers, et montre ou ses nœuds tristes ou ses pampres