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UN DIVORCE

tres riaient d’elle à ce propos. Mais elle les laissait dire, sachant très-bien que l’enfant l’entendait.

Beaucoup de gens se plaisent à ne voir dans l’enfant qu’un petit animal, préparé pour la vie humaine, mais ne la possédant pas encore, un être purement physique. Ceux-là n’ont pas vu l’enfant de près, ou n’ont pas su le comprendre ; car il est, dès l’origine, un être non développé sans doute, mais complet selon sa nature, et le regard de sa mère éveille l’amour en lui, aussi bien qu’un rayon de soleil le sens de la chaleur et de la lumière.

Bientôt, il fut possible à l’enfant et à la mère de sortir de la maison et d’aller respirer un air plus pur, à quelques pas de là, sur Montbenon. Pendant l’absence de Claire, la nature s’était parée. Les arbres touffus étaient pleins d’oiseaux. L’air était traversé de grands courants de parfums. Les champs riaient sous leurs couleurs vives, et les montagnes, dépouillées de neige, se montraient fauves, hérissées, rugueuses, au-dessus du lac, bleu comme le ciel. Çà et là seulement, sur les plans les plus reculés des chaînes, on voyait encore de blanches cimes, les immuables et les éternelles.

Le regard de Claire allait de ces choses à l’enfant endormi sur ses genoux ; et, bien qu’il fermât les yeux, elle était sûre qu’il en jouissait, et que les émanations de cette poésie le pénétraient.

Maintenant, il souriait à sa mère, à sa bonne petite tante, à Louise ; mais quand c’était à Claire que le sourire s’adressait, il avait quelque chose de plus significatif qui disait : « C’est toi ! »

Au retour de la promenade, où la bonne le portait, quand il arrivait affamé, grondant, et qu’avec un petit cri de bonheur attendri il se précipitait sur le sein de sa mère, alors, si M. Desfayes se trouvait là, il raillait l’or-