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UN DIVORCE

plétement. On l’a trouvé l’autre jour dans la rue, près de chez lui, tout à fait ivre. Mathilde ne s’en est pas plainte à toi ?

— Non, elle ne me parle plus de son frère.

— Eh bien ! c’est un garçon perdu que ce pauvre Étienne. C’est dommage. Il était bon enfant ; il avait de l’esprit, mais pas le moindre sens commun. Le voilà dans une belle position ! Toujours empêtré de cette fille, tu sais ?

— N’a-t-elle pas un enfant, je crois ?

— Parbleu ! oui, et l’on peut bien compter sur un autre pour l’année prochaine. Quelle cervelle ! Il y a des gens fous, ma parole d’honneur !

Il marchait à grands pas, et se mit à siffloter ; puis il reprit d’un ton de confidence :

— Je crois que j’ai fait une bêtise en m’associant à ce Monadier pour les mines. Ça se présentait bien ; mais je pourrais avoir risqué mon argent.

— Oh ! moi, je te l’avais bien dit, répondit Claire, cet homme-là ne m’a jamais plu.

— Voilà une belle raison en affaires, ma fillette, dit-il en se rapprochant d’elle et en passant la main sur ses cheveux. Tu conviendras qu’elle n’était pas suffisante. Il faudra pourtant que tu te résignes à le recevoir à dîner un de ces jours ; car j’ai besoin de lui pour les élections prochaines.

— Lesquelles ?

— Les élections municipales. Oh ! cette fois, je suis sûr de réussir. Voyons, cela ne te fera-t-il pas plaisir que ton mari devienne une des autorités de la ville ?

— Si cela t’est agréable…

— Quelle superbe indifférence ! Rien ne te touche donc plus ? lui dit-il à l’oreille fort tendrement.