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UN DIVORCE

— Une belle situation ? Certainement ! comment donc ! ça prend admirablement, ma chère. Je viens de recevoir encore une commande. Vous verrez. Qu’est-ce que vous regardez donc comme ça ?

Il reconnut alors madame Desfayes, s’avançant sur le même trottoir, accompagnée de sa bonne et de son enfant.

À l’aspect de son ennemie, qui, avec un regard insultant et un sourire ironique, la regardait, Claire détourna les yeux ; et à mesure que ses pas, comme malgré elle, la rapprochaient de cette femme, elle devenait extrêmement pâle. Madame Fonjallaz, au moment où elles se croisèrent, laissa échapper un ricanement, et dit, assez haut pour être entendue :

— Peuh ! Mon Père ! qu’est-ce que c’est que cet enfant-là ? C’est de la famille des singes !

Et lançant un éclat de rire, qui atteignit comme une flèche le pauvre groupe fuyant :

— Où vont-ils comme ça ? Ah ! je le sais, dans le jardin de madame Renaud, voir M. Camille. Mais, je vous le demande, ça se comprend-il ? Une femme bâtie de la sorte, une vraie Grandvaux, une fille d’usurier, largement nourrie du bien des autres, oser faire de pareils enfants ! N’est-ce pas une honte ?

— Méchante ! dit Monadier. Ce n’est pas bien à vous de vous moquer d’elle. Après tout, que savez-vous si ce n’est pas aussi la faute de Desfayes ?

Et désignant d’un geste grossier la taille arrondie de madame Fonjallaz, il se pencha vers elle et murmura quelques mots à voix basse.

La jeune femme devint rouge, recula d’un pas, et, jetant à son interlocuteur un regard qui valait vingt soufflets :