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UN DIVORCE

parlerez de moi, Monadier. Si vous avez de la langue, j’en ai une aussi, et j’en sais assez sur votre compte pour faire rire toute la ville à vos talons, si je me charge de vous.

— Est-elle méchante ! est-elle méchante ! disait Monadier, s’efforçant de rire, mais un peu déconcerté. Voyons, ma belle enfant, faisons la paix, ajouta-t-il en lui tendant la main.

Elle la toucha du bout des doigts, avec une moue de mépris, et lui tourna le dos ; puis, se drapant dans son châle, s’éloigna vite, d’un air mécontent et agité. Elle descendit le ravin creusé par le Flon, et dont le Grand-Pont enjambe, d’une rive à l’autre, les bords escarpés. C’était là, au milieu des maisons et des jardins, et sur le bord même du torrent, qu’Étienne avait placé le laboratoire de sa fortune, entre une fabrique de chandelles et une teinturerie.

L’atelier se composait d’une vaste chambre ; que remplissaient un fourneau, des tonneaux, de grands vases de terre, et des pots rangés et étiquetés. On voyait encore, çà et là, des fioles, des bonbonnes, des bouteilles, des ustensiles de toute sorte, pêle-mêle.

Quant au cirage, il y en avait partout, sur les murs et sur le plancher, aussi bien que dans les vases ; et le premier mouvement de madame Fonjallaz, à son entrée, fut de serrer autour d’elle ses vêtements avec soin.

— Sargeaz ? demanda-t-elle à un jeune ouvrier, qui s’occupait à verser un liquide d’un vase dans un autre, en en répandant la moitié.

— Il est là, répondit-il, montrant une porte, que madame Fonjallaz poussa aussitôt.

Dans un cabinet, meublé d’un bureau et de deux ou trois chaises, Étienne, accoudé, lisait attentivement.