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UN DIVORCE

envoyée par Anna au secours de Maëdeli, Maëdeli était restée la même ; et, loin de pouvoir subvenir à ses besoins par le travail, elle ne pouvait même se résoudre à entretenir ses vêtements. L’état de sa toilette et de celle de son enfant faisait à la fois la honte d’Étienne et l’amusement du quartier. Las de prier en vain, Étienne s’emporta ; Maëdeli, douce et bonne, était cependant incorrigible. Aussi le mécontentement se mit-il entre eux, et tandis qu’Étienne regrettait amèrement le joug honteux qu’il s’était donné, elle, pleurait sa vie errante et insoucieuse, sa pauvre et chère liberté.

C’était l’amour qui, seul, avait pu la décider à vivre si longtemps entre des murailles ; mais la lumière et la chaleur dont il les avait remplies pour elle, peu à peu s’étaient presque éteintes. Maintenant, elle y grelottait de froid et d’ennui. Bien souvent, dès le matin, son enfant dans les bras, elle s’échappait et s’en allait sur les chemins ou dans les bois, toute la journée. Étienne, s’il arrivait, ne les trouvant pas, s’en allait mécontent. Ils en vinrent à passer des huit jours sans se voir.

Quant aux dépenses du pauvre petit ménage, Étienne, toujours dépourvu d’argent, oubliait volontiers le nombre des jours et la quantité des besoins, et ne livrait que des sommes insuffisantes. Un matin que la propriétaire de Maëdeli l’avait menacée de la renvoyer, faute de payement, et que la pauvre fille, n’ayant plus un centime, n’avait pas déjeuné, elle tendit la main sur une route, au premier bourgeois qu’elle rencontra. Avec sa jolie figure, son air triste et son bel enfant, elle excitait facilement l’intérêt. Le succès l’encourageant, elle continua.

Cela dura quelque temps avant qu’Étienne en fût averti. Il faillit étouffer de honte, et accabla sa maîtresse