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UN DIVORCE

haine et de sa colère une fois passées, elle tomba dans un abattement profond, où toute faculté de protestation et de lutte s’éteignit en elle ; elle devint indifférente aux caresses de son mari, comme à l’humiliation de les recevoir. Claire sentit bien, quoique vaguement, qu’un abaissement se faisait dans sa vie ; elle s’aperçut bien que la lumière qui éclairait les choses autour d’elle avait pâli ; mais elle n’y pouvait plus rien.

Elle continua d’adorer son enfant, de recevoir les visites de sa sœur et d’en faire à ses amies. Ses visites chez madame Renaud devinrent de plus en plus fréquentes ; on était aux derniers beaux jours, il fallait en profiter ; puis le petit Fernand s’était pris pour Camille d’une telle amitié, que le temps se passait dans le jardin en jeux charmants. Le jeune peintre, dès qu’il voyait Claire et l’enfant, quittait son ouvrage et venait près d’eux. Il était si attentif et si affectueux pour madame Desfayes, que son regard et sa voix, en lui rappelant sans cesse qu’il avait le secret de ses chagrins, l’assuraient en même temps qu’il eût voulu de tout son pouvoir les adoucir. Claire était fort touchée de cela, heureuse aussi des compliments que lui adressait Camille sur l’intelligence de son enfant, dont il observait les progrès avec intérêt et sagacité. Combien il était différent, celui-là, des autres hommes qu’elle connaissait, tous plus ou moins rudes, inintelligents, vulgaires !

Anna raffolait également de son neveu ; c’était avec lui seul qu’elle retrouvait les élans de gaieté enfantine qui la rendaient si gentille autrefois, quand elle se mettait à rire aux larmes, tout à coup, de la physionomie de ses bêtes, ou de la naïveté des petits Anglais. Elle venait souvent chez Claire, où Fernand l’accueillait toujours avec un tressaillement de joie.