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UN DIVORCE

fait quelques sottises ; mais ceux qui n’ont rien doivent travailler, et rudement. Mon père ! si je n’avais ainsi, moi, je serais encore à piocher la terre à la journée, et mes filles ne seraient pas de bons partis, comme elles sont. Combien de fois ai-je fait mon repas d’un verre d’eau et d’un morceau de pain ! Eh bien ! qu’en dites-vous du salvagnin ?

— Ma foi, monsieur Grandvaux, c’est du bon !… du très-bon !… fameusement bon !… Et à présent que vous en avez comme ça, je suis sûr que vous ne regrettez pas votre verre d’eau. Eh ! eh ! eh !

— Bah ! je n’y tiens pas tant pour moi, allez. Ce qui me rend le cœur joyeux, c’est de voir mes petites heureuses et bien élevées.

— Vous pouvez être fier de vos filles, monsieur Grandvaux, dit le jeune homme d’un ton pénétré, et certainement votre ainée, mademoiselle Claire, est la plus belle personne du canton.

— Ah ! vous trouvez ? dit le bonhomme en lui lançant un coup d’œil pénétrant. Bah ! la beauté ce n’est rien ; mais ce que je puis dire, c’est que celui qui est là-haut m’a fait en elles deux un grand cadeau, car elles sont douces, bonnes, et d’excellentes ménagères, comme ma pauvre vieille. Ma foi ! ceux qui les auront ne seront pas attrapés ; mais je ne suis pas pressé de m’en défaire.

— Je le crois ; cependant il ne faut pas attendre trop longtemps pour marier les jeunes filles ; mademoiselle Claire est d’âge, il me semble.

— Oui ; elle va avoir ses vingt ans. Mais ça ne presse point. Déjà il ne manque pas de gens qui me l’ont demandée ; mais, moi, ce à quoi je tiens surtout, c’est à un honnête garçon, solide et rangé.

— Vous avez tout à fait raison, monsieur Grandvaux,