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UN DIVORCE

et, si j’étais père, je penserais comme vous. Mais, bah ! la raison vient toujours une fois ou l’autre. Ce n’est pas que j’aie jamais fait de grandes folies, mais je me suis senti tout à coup las de vivre, comme ça, sans savoir pourquoi. Vous savez que je suis devenu l’associé de Dubreuil ?

— Oui, on me l’a appris ; et, ma foi ! à vous dire vrai, j’en ai été tout content. J’ai connu votre père, un digne et brave homme, et je m’intéressais à vous. Je trouvais que c’était dommage. Vous m’excuserez, n’est-ce pas ! Moi, j’ai le cœur sur la main, et je dis tout ce que je pense.

— Au contraire, je vous en remercie bien, monsieur Grandvaux.

— Oui, ç’aurait été dommage si le fils de votre père n’avait pas fini par devenir un homme sage, sérieux, distingué. Savez-vous que vous allez gagner de l’argent dans cette banque ? Dubreuil est une fine mouche, et il vous mènera bien. Il ne vous reste plus qu’à vous marier.

— C’est bien à quoi je songe, monsieur Grandvaux ; mais ce n’est pas une petite affaire. Tenez, vous qui êtes entendu à tout, vous devriez m’aider.

— Oui-da ! fit le bonhomme en goguenardant (mais ses yeux gris pétillaient de satisfaction), il sied bien à un vieux comme moi de s’occuper de choisir une femme. Vous riez ? Combien donc vous faudrait-il de dot ?

— Oh ! le plus est le mieux, il va sans dire. Mais je me contenterais d’autant que j’apporte, si la femme, du reste, me plaisait.

— Et combien apportez-vous ?

— Cinquante mille francs.

— Euh ! euh !… Ah çà ! nous ne buvons pas ; qu’est-