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UN DIVORCE

l’abattre, et quoiqu’elle ne doutât pas, au fond, de la vérité de l’accusation qu’elle avait portée, pour un esprit habitué à l’obéissance et au respect de l’opinion, c’est si peu de chose d’avoir raison seul contre tous, si peu, que Claire, confuse et repentante de son emportement, accepta presque avec reconnaissance le bras de son mari. Tandis qu’ils faisaient sans se parler le court trajet qui sépare la rue de Bourg de la rue du Chêne, abritée sous son voile, humble et tremblante, c’est elle qui eût semblé l’épouse adultère, et Ferdinand, avec ses sourcils froncés et son air dur et sévère, l’époux offensé. Mais elle avait eu, en effet, la pauvre Claire, un tort bien grave elle avait oublié qu’aux yeux du monde, juge souverain, son accusation contenait un vice de forme ; aussi courait-elle grand risque d’être condamnée aux frais du procès.

Elle pressentait déjà le blâme et les clameurs de tous les amis de l’ordre et du silence ; déjà elle n’osait lever les yeux.

Quand ils furent arrivés au seuil de leur maison, M. Desfayes dégagea son bras de celui de sa femme.

— J’ai consenti, à cause du monde, lui dit-il, à une réconciliation apparente ; mais je n’oublierai jamais votre insolence et vos fureurs d’aujourd’hui, non plus que le ridicule dont vous venez de nous couvrir. Je vous déclare que toute affection est désormais éteinte entre nous ; vous n’avez plus aucun droit à mes égards ni à ma bonté. Vous avez provoqué ma haine, vous en sentirez les effets.

Après avoir débité cela d’un ton solennel, il la quitta. Atterrée, frappée au cœur, elle eut peine à monter chez elle ; Anna, en la voyant, devina un malheur. La jeune femme achevait à peine d’instruire sa sœur de ce qui s’était passé, que Mathilde arriva.