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UN DIVORCE

pas qu’on leur fasse du tort. Quoique vieux, je suis encore là ! Conte-moi donc tes chagrins.

Claire avoua que sa situation devenait de moins en moins supportable. Ferdinand s’était, à la longue, un peu relâché de son mutisme, mais il ne parlait que pour faire des observations dures ou piquantes, et semblait avoir pris à tâche de la gêner en tous points.

Comme il s’était aperçu que Louise avait de l’attachement pour sa maîtresse, il ne pouvait plus souffrir cette fille, la reprenait sur tout, lui donnait des ordres bizarres, qui dérangeaient l’ouvrage de la maison, et la rudoyait quelquefois, au point qu’il paraissait impossible qu’elle y tint longtemps. Une ou deux fois déjà, elle avait menacé de partir.

Ce qui causait encore beaucoup de gêne à Claire, c’est que son mari lui donnait seulement par petites sommes de quinze à vingt francs pour les dépenses de la maison, attendant toujours qu’elle redemandât, et s’exécutant alors de si mauvaise grâce qu’elle préférait recourir à toutes sortes d’expédients avant de pouvoir se décider à revenir à la charge. Elle avait besoin pourtant de vêtements pour elle et pour ses enfants, et d’autres choses indispensables, dont elle était réduite à se passer, comme aurait fait la plus pauvre femme.

— Eh bien ! vois-tu, ma fille, si c’était pour épargner, il n’y aurait trop rien à dire ; mais sais-tu où passe l’argent de ton ménage et de tes robes ? Chez la Fonjallaz ! Le mari n’avait laissé que des dettes ; il aurait fallu vendre, être exécuté ; c’est Ferdinand qui a empêché la faillite ; il a composé avec les créanciers, par l’entremise de cette canaille de Monadier ; il a fourni des à-comptes ; de plus, il a répondu pour un nouvel achat de vins, et l’on dit que c’est à ses frais que le nouveau café s’est si bien meublé.