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UN DIVORCE

Maintenant, veux-tu savoir combien ton mari a perdu dans les anthracites de Monadier ? Plus de vingt mille francs !… Oui, ma fille ! Hélas ! hélas ! où allons-nous ? Je ne savais guère vivre pour voir pareilles choses ! Et quand je pense que cet argent-là, c’est celui que je lui ai donné de ta dot ; car tous ses fonds, à lui, étaient dans la banque. Ton mari en répond sur son bien, nécessairement ; mais s’il n’a plus rien, tout sera perdu ! et il est en train de se ruiner ! Le vieux Dubreuil secoue la tête ; il m’a dit à moi que, si ça dure, il liquidera l’association. Un homme qui avait une si belle boule en main ! Je savais bien qu’il était un peu viveur, mais je ne l’aurais jamais cru comme ça ; car il se conduit comme un scélérat, un véritable coquin. J’ai tout vu, je sais tout. Mais il me rendra ton argent ; il me le rendra ! On verra si j’aurai passé vingt ans de ma vie à travailler comme un nègre, avec tant de peine, tant de courage, tant de soucis, allant, venant comme un misérable, m’épargnant de tout, me regrettant jusqu’à une croûte de pain, et tout ça pour que ce drôle fasse couler mon argent dans la poche de ses maîtresses ! On verra bien si, à cause de madame Fonjallaz, mes petits-enfants seront réduits un jour à tendre la main ! Non ! non ! ça ne sera pas. Ils doivent, au contraire, rouler carrosse ; je l’ai toujours dit, et ça sera. Et ça n’est pas un vieux reître comme moi qu’on mettra dedans. Prends seulement patience un peu de temps encore, ma fille, et, si tout ne va pas d’une autre manière, d’ici à quinze jours, nous adresserons une demande en divorce au tribunal.

— Une demande en divorce ! un divorce ! répéta Claire en pâlissant.

— Eh bien ! pourquoi pas, s’il n’y a que ce moyen ? Est-ce que tu veux perdre ta fortune ? Tu n’as pas le