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UN DIVORCE

c’est un joli parti pour la fille du vieux Grandvaux qu’un garçon de bonne famille comme lui, fils d’un ancien pasteur, et bien appuyé dans le pays ? Il a de l’éducation, de la fortune, il peut prétendre à tout, et il fera son chemin dans les emplois. On lui a déjà proposé de le nommer au grand conseil. Moi, ça me fera plaisir d’entendre appeler ma fille madame Desfayes. C’était un homme bien considéré que le père, Rodolphe Desfayes, tu sais ?

— Au moins, vois-tu, reprit la mère, il ne faut pas se presser, afin de bien savoir s’il convient à la petite, et…

— Et moi je te dis que tu n’y entends rien, que tu ne vois rien, que tu ne sais pas distinguer un chou d’une prune. Il faut se presser, au contraire. Ce diable de peintre m’ennuie, et l’on ne sait pas ce qui pourrait arriver.

— Oh ! dit madame Grandvaux, bouche béante, tu crois ?… Mais Claire sait bien qu’il ne te conviendrait pas.

— Sans doute ; seulement j’ai peur qu’elle ne l’oublie. J’ai très-bien vu qu’elle est toute contente quand il est là, avec sa langue mielleuse et ses belles manières, et je l’aurais bien jeté à la porte, ce beau monsieur, mais j’ai craint que ça ne mît plus tôt le feu aux poudres. On ne peut d’ailleurs pas l’empêcher de venir chez les Anglais. Mais le meilleur moyen d’ôter un galant à une fille, c’est de lui donner un mari ; il y a déjà quelque temps que j’en ai envie, et je n’attendais pour ça qu’une bonne occasion. Au reste, tu peux te tenir tranquille et ne pas te mêler de ça ; c’est mon affaire.

Madame Grandvaux soupira et se tut. Mais quelque