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UN DIVORCE

Quoiqu’il n’y ait pas dans notre pays plus de bon sens qu’ailleurs, il y a cependant une belle coutume que tu devrais suivre, celle des fiançailles ; car si ce n’étaient les fausses idées qui gâtent tout, moi j’admirerais beaucoup ces mariages qui se font entre fiancés, après une intimité de deux ou trois ans.

— Sans doute, et je le voudrais aussi, repartit Claire, mais mon père dit que c’est impossible. M. Desfayes, à présent qu’il est banquier, a besoin de se marier, de tenir maison, afin d’être plus considéré par ses clients.

— Ma chère, s’il n’a pas le temps d’attendre, il faut le laisser aller.

— Que veux-tu ? dit la belle Claire avec un soupir, mon père tient beaucoup à ce mariage ; il dit que je ne trouverai jamais un meilleur parti. On aura beau te parler d’un parti, ma chère, c’est en définitive un homme que tu épouseras, un homme que tu ne connais pas, et dont tu te trouveras cependant un de ces matins la compagne de jour et de nuit pour toute ta vie. Quoi ! cette idée ne te révolte pas, Claire ?

Une vive rougeur s’était répandue sur le visage de la jeune fille ; elle détourna la tête et ne répondit pas, tandis qu’Anna, assise à leurs pieds sur l’herbe, et qui sans mot dire les écoutait, pencha son visage sur sa main.

— C’est vraiment une chose admirable, poursuivit mademoiselle Sargeaz, avec un petit ricanement de colère et de mépris, de voir avec quelle facilité l’éducation et les usages nous dépouillent de tout sens moral, au nom de l’ordre et de l’obéissance, autrement dit un mensonge et une immoralité.