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UN DIVORCE

grands courants d’opinion qui se produisent à la suite de toute cause célèbre et qui indiquent deux tendances très-différentes de l’esprit humain. Les uns s’indignaient vivement de ces débats domestiques, et surtout de voir l’immoralité triomphante éluder la loi ; car, grâce au dévouement acheté de Georgine, madame Fonjallaz n’étant point reconnue complice de M. Desfayes, pouvait, au bout de trois ans, devenir sa femme.

Les autres, c’est-à-dire le troupeau de ces esprits ingénieux qui admirent la rouerie et l’habileté comme des puissances supérieures, qui font de la tolérance une maison publique, et s’entendent admirablement à saisir l’envers des choses, ceux-là trouvaient que madame Fonjallaz était une personne bien remarquable, une forte tête, une admirable organisation. Pour peu que la lithographie eût reproduit son portrait, ils l’eussent acheté pour en décorer leur chambre ; ils s’occupaient d’elle enfin si chaudement, qu’on voyait qu’ils en étaient remués dans leurs sympathies les plus secrètes.

Donc, madame Fonjallaz était démasquée, sinon punie ; mais combien cruellement elle se vengea ! Un témoin fut produit qui avait reconnu Claire sur le Grand-Pont, le soir où elle avait été protégée par Camille contre les insultes d’un brutal. Ce témoin avait vu madame Desfayes s’avancer en hésitant et en regardant autour d’elle, comme une personne qui attend quelqu’un. Il dépeignit le jeune homme qui l’avait défendue, et avec lequel elle s’était éloignée.

L’avocat de M. Desfayes nomma Camille. Claire interrogée avoua que c’était lui ; mais en racontant pourquoi elle se trouvait à cette heure en pareil lieu. L’avocat de M. Desfayes observa que cependant elle n’avait pas donné suite au dessein d’aller trouver son mari, à qui elle n’avait