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UN DIVORCE

ouvrage, la glace où elle croyait voir encore sa propre figure, triste souvent, mais cent fois moins malheureuse qu’aujourd’hui, et le petit lit de Fernand, qu’on avait reculé dans un coin, et dont les rideaux étaient remplis de poussière. Cette vue raviva la blessure qu’elle avait au cœur.

— Oh ! Ferdinand ! s’écria-t-elle en joignant les mains, vous ne voulez pas… Non, c’est impossible… sûrement… vous ne ferez pas cela !

— Quoi donc ? demanda-t-il.

Et comme elle regardait toujours le berceau, mais sans pouvoir prononcer les paroles qu’il eût fallu dire pour exprimer la pensée qui la déchirait :

— Ah ! vous parlez de l’enfant ! Je suis fâché de vous causer cette douleur ; mais ces choses-là ne se font pas sans déchirements ; vous voyez, moi, j’y perds ma fille.

Claire était à ses pieds :

— Écoute ! crois-moi ; si tu le prends, j’en mourrais ; et lui aussi, lui aussi… il en mourrait !… Oh ! pourquoi me forces-tu à dire des choses si horribles ! Tu ne peux pas vouloir faire mourir notre enfant, l’enlever à sa mère, le faire tant souffrir ? Tu comprends bien pourtant que ce serait un crime. Il est si faible ! si aimant ! Son pauvre cœur et son petit corps se briseraient tout de suite entre vos mains. Il n’y a que moi… Puis il m’aime ; il lui faut sa mère. Enfin, c’est mon fils ! il est à moi, et personne au monde n’a le droit de me l’ôter ! Ne te rappelles-tu pas ? C’est ici qu’il est né. J’étais mourante dans ce lit, et il n’avait qu’un souffle de vie. On me l’apporta ; je retrouvai des forces pour lui, et, depuis ce temps, mes bras et mon cœur ne l’ont pas quitté… Ah ! vois-tu ! quand j’ai entendu ce jugement, j’ai senti… comme s’ils m’eussent déchiré les entrailles. Comment Dieu laisse-