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UN DIVORCE

sa dernière demeure. J’ai jeté tout à l’heure sur sa tombe quelques fleurs poétiques, et j’en suis encore tout ému. J’ai eu même la consolation de voir fondre en larmes autour de moi une grande partie du public nombreux qui se pressait au bord de la fosse funéraire. Venez. Que M. le comte veuille me faire l’honneur de s’asseoir à ma table frugale, et toi, mon précieux ami, viens rompre de nouveau avec moi le pain de l’amitié.

Écrasés d’instances, les deux voyageurs cédèrent, l’on se dirigea vers la demeure de M. Pascoud.

— Grandvaux est donc mort presque subitement ? demanda M. Sargeaz.

— En huit jours, mon cher ami, et l’on peut dire qu’il est mort comme il avait vécu, au champ de bataille du commerce et de l’industrie. Son dernier fait d’armes est un coup de filet magnifique de dix mille francs.

— Enlevés à qui ?

— Mais… à tous ceux qui ont eu besoin des produits qu’il a acquis à un prix si haut et si déplorable. Voici : Il n’y a pas quinze jours, un orage épouvantable fondit sur nos campagnes et dévasta nos toits. C’était la grêle, avec son bruit sec, qui… J’ai fait une poésie là-dessus.

— Eh bien ? dit M. Sargeaz.

— Eh bien ! les tuiles de tous côtés volaient en éclats ; un vent formidable ébranlait jusqu’aux charpentes de nos demeures ; et Grandvaux, désolé, calculait le dégât immense fait à ses propriétés. La tempête régnait en lui comme dans la nature ; il allait et venait dans sa maison en frappant des pieds, écumant, lançant des imprécations, furieux de ne pouvoir combattre ces forces invisibles qui le détruisaient ; car, en effet, il y avait de sa vie et de son âme dans toutes les choses qu’il avait amassées lui-même à force de soins et de labeur ; quand