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UN DIVORCE

— C’est moi, dit la jeune fille.

— Eh bien ! dites-moi d’abord ce qu’Étienne est devenu ?

— Il se porte bien, répondit mademoiselle Grandvaux d’une voix émue, il est loin d’ici ; il se conduit en homme brave.

— Est-ce qu’il est heureux à présent ?

— Oui, Maëdeli.

— Tant mieux ! reprit la pauvre femme, tant mieux ! je l’ai quitté parce qu’il me faisait reproche, et que je ne lui portais plus que peine. Et aussi ne pouvais-je plus me souffrir dans ces maisons. J’ai emporté le petit… Mon cœur se serait fendu de le quitter, puis je pensais qu’on le rendrait malheureux en le renfermant trop. Mais à présent c’est fini ; le pauvre a trop de misère avec nous.

— Vous avez une autre famille, Maëdeli ?

— Oui, il y en a un qui m’a pris pour femme, et j’ai encore là-bas un autre enfant dans le char. Mon homme n’est pas mauvais pour nous ; il volerait le juge plutôt que de nous laisser manquer de pain ; mais toujours il a eu peine de travailler pour celui-ci, parce qu’il n’est pas le sien. Il faut que tous les petits soient du même nid, voyez-vous. Celui-ci est bon pourtant, mais mon homme le bat tout de même, et il n’en a pas le droit, n’étant pas son père. J’ai songé longtemps ; puis, à la fin, le char passant par ici, je suis venue vers vous. Le voulez-vous garder !

— Oui ! s’écria la jeune fille qui fondit en larmes ; et, malgré les haillons de l’enfant, elle le saisit dans ses bras et le serra sur son cœur.

— Maëdeli, cet enfant sera le mien, et… il reverra son père ; il sera élevé doucement et bien instruit. Votre enfant, Maëdeli, sera aimé, je vous le jure.