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UN DIVORCE

honnête homme, et il vous estime très-haut, Mathilde ; il est plein de délicatesse et de générosité ; de plus, il est riche et jouit d’un revenu de mille livres sterling.

— Mais, monsieur…

— Attendez, miss ! Sir George n’est pas un de ces hommes dont la mesquine jalousie s’effraye du mérite d’une femme. Il profitera de vos conseils ; il signerait au besoin vos écrits, et je ne doute pas qu’avec votre aide il ne parvînt à entrer à la chambre des communes, à s’y faire un nom, à servir la cause du progrès dans notre patrie.

— Tout cela me toucherait beaucoup, monsieur ; mais je n’aime pas sir George.

— Toujours la même réponse, dit-il désespéré.

— Que voulez-vous ? Si je me marie, ce sera pour n’être plus seule, mais pour être deux. Assurément, l’absorption de l’un par l’autre est préférable à la contradiction et à la lutte ; mais ce n’est pas le bonheur et ce n’est pas l’amour. Sir George a l’esprit facile et l’âme généreuse, je le crois ; mais, vous l’avouez vous-même, il ne se tiendrait pas à mes côtés et me suivrait seulement. Avec lui, je serais seule encore ; je ne me sentirais pas vraiment mariée, et ne serais pas une bonne épouse. Eh bien, ou je ne me marierai jamais, ou j’épouserai un homme dont l’individualité haute et forte se fera sentir à moi ; que j’aiderai sans doute, mais sur qui je pourrai m’appuyer à mon tour ; une âme assez profonde et assez vaste, sir John, pour qu’après des années d’union elle puisse encore m’éclairer, parfois me surprendre.

Les yeux de Mathilde brillaient d’un éclat humide, et une douce rougeur colorait son front. Sir John la regardait avec surprise :

— Connaîtriez-vous déjà cet homme ? murmura-t-il.