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UN DIVORCE

champ de la ferme, il engagea tout le monde à l’accompagner, et l’on se mit en marche comme auparavant, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. C’est ainsi qu’à la promenade, à l’église, partout, se marque la séparation profonde établie entre les sexes par les usages protestants.

Un mari donnera le bras à sa femme s’il est seul avec elle ; mais qu’un autre homme et une autre femme les accompagnent, le triage se fera instantanément. Il y avait cependant ce soir-là, dans la petite société de Beausite, un motif d’enfreindre cette coutume que ne négligea pas Ferdinand Desfayes ; et bientôt les deux fiancés, au bras l’un de l’autre, marchèrent à petits pas, derrière les promeneurs.

Ils étaient partis depuis environ une demi-heure, et tandis qu’un beau crépuscule régnait encore dans la campagne, l’ombre emplissait déjà l’intérieur des maisons, lorsque Étienne Sargeaz entra dans la cuisine de Beausite, et, distinguant une forme de femme dans l’ombre, demanda des allumettes à Jenny.

— Des allumettes ! ce sont des allumettes qu’il faut à monsieur, répondit une voix harmonieuse comme celle d’une fée du foyer.

— Ah ! c’est toi, petite cousine ! Comment ai-je pu te prendre pour la grosse Jenny ? Et que fais-tu là toute seule ?

— Je viens de coucher tous mes enfants, monsieur, et maintenant me voilà libre, et prête à aller rejoindre la compagnie. Mais que voulez-vous faire de ces allumettes, voyons ? L’air des champs n’est-il pas assez bon à respirer sans cette odieuse fumée !

— Qu’est-ce cela te fait, cousine ? Tu me grondes toujours.