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UN DIVORCE

Elle eut un petit sourire coquet à ce souvenir, puis elle fronça les sourcils, et de sa main nerveuse, par un geste presque brutal, elle se mit à froisser les plis d’une pièce de moire noire, en disant :

— C’est ça, la robe de mariage ? Tiens, j’en veux acheter une précisément comme ça.

— Pas du tout, répondit Claire sèchement ; je ne me marie pas en noir : c’est trop sombre et trop commun ; c’est bon pour les ouvrières. Ma robe sera de moire blanche.

Anna regarda sa sœur avec peine, et la tante Charlet sourit avec satisfaction, tandis qu’une rougeur de colère, chaude et vive comme une lueur d’orage, enflammait le visage de mademoiselle Herminie.

On convint de la forme et de la garniture de chaque robe, et mademoiselle Herminie se retira.

— Ma chère, comme vous l’avez blessée ! dit Louise Pascoud.

— Claire a eu raison, dit mademoiselle Charlet. Cette petite est d’un orgueil ! Pourvu seulement qu’elle ne lui gâte pas ses robes !

— Mais, observa timidement Anna, il y a pourtant des ouvrières dans notre famille, et si…

— Elle m’a porté sur les nerfs, dit Claire. Je ne sais pas ce qu’elle avait aujourd’hui ; mais elle me regardait avec une espèce de haine, et d’un air si insolent !… C’est une méchante fille.

Lorsque ses amies l’eurent quittée et qu’elle fut seule, la jeune fiancée tomba dans une rêverie pleine de riantes visions, tandis que le soleil, qui entrait à flots par la fenêtre, changeait la poussière de la chambre en poussière d’or. Assise près de la table, où se trouvaient étalés châles, bijoux et rubans, ses regards voilés glissaient sur