Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
UN DIVORCE

raient pu faire descendre la foudre sur les coupables, si cela se fût passé quelques siècles auparavant.

Anna devint alors distraite et préoccupée, et, pendant toute la première partie de la cérémonie, elle eut mille prétextes pour se retourner, en jetant de longs regards vers la porte. Enfin Étienne et Mathilde arrivèrent, et, à partir de ce moment, Anna ne tourna plus la tête et ne sembla plus faire attention à son cousin, qui était venu se placer à côté d’elle. Mais, de retour à Beausite, elle fit parler la tante Charlet, et apprit que le tailleur de ce malheureux Étienne lui avait refusé le matin même son habit neuf, à moins d’un à-compte, Étienne lui devant déjà beaucoup d’argent. La tante Charlet n’en savait pas davantage ; après avoir ajouté ses leçons à celles du sort, elle avait laissé son neveu au désespoir et dans l’impossibilité de se rendre au temple. Il fallait que Mathilde eût livré ses économies, ce que déplorait la tante Charlet ; car il eût mieux valu que la leçon fût complète, bien que ce triste garçon fût incapable de s’amender.

Anna ne dit rien ; mais ses longs cils s’abaissèrent sur ses yeux, et une ombre de tristesse se répandit sur ses traits. Tout le jour, elle fut plus affectueuse vis-à-vis de Mathilde, et elle parlait à son cousin de cet air à la fois tendre et grondeur dont une mère accueille un marmot incorrigible.

La noce eut des splendeurs gastronomiques auxquelles des estomacs suisses étaient seuls capables de résister. Vers quatre heures du soir, les deux époux, suivant la coutume anglaise adoptée en Suisse, montèrent en voiture, et partirent pour l’Oberland.