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UN DIVORCE

Quelques passagers montèrent ; l’un d’eux, s’arrêtant en face de M. Desfayes, poussa une exclamation, et tendit une main largement ouverte, qui secoua vigoureusement celle de Ferdinand.

— Quoi ! mon cher, vous voilà ! Parbleu ! je ne m’y attendais guère. Et madame !…

Il s’inclina en regardant Claire d’un air qui la fit rougir.

— Monsieur Monadier, dit Ferdinand.

Elle avait entendu ce nom souvent comme celui d’une personne mêlée à toutes sortes d’affaires politiques et commerciales. Ce qu’elle en pensa de plus, c’est que cet homme grand et gros, à la voix retentissante et au regard hardi, eût mieux fait de rester à Clarens. Elle salua et reporta ses regards sur le paysage.

— Vous voilà donc descendu, mon cher, des hauteurs… des hauteurs du séjour céleste ? s’écria Monadier en écarquillant de gros yeux et en riant bruyamment. Eh ! voilà, il faut toujours descendre après avoir monté : c’est un diable de défaut de notre nature. Au reste, avec un pareil minois, dit-il en baissant la voix, mais encore assez haut pour que la jeune femme entendît, la lune de miel ne doit pas finir si vite.

Ces paroles parurent choquantes à Claire, et cependant Ferdinand se mit à rire ; puis les deux hommes causèrent de politique, ou plutôt de commérages locaux. Ne connaissant guère que de nom les personnages dont on parlait et les affaires dont il était question, Claire se trouva moralement isolée. Aussi fut-elle presque aise lorsque le fâcheux entraîna Ferdinand dans la salle à manger, en l’invitant à boire une choppe de bière. Elle pensait qu’après s’être débarrassé de Monadier, son mari allait revenir.