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quinze ans quatre mois et trois jours à rôtir dans les flammes du purgatoire…

— Bigre ! ce n’est pas gai.

— À qui le dites-vous ?… Tenez, en ce moment, j’ai les apparences d’un pékin ordinaire ; vous ne voyez ni feu ni fumée autour de moi… Eh bien ! c’est ce qui vous prouve qu’il ne faut pas se fier aux apparences…

— Vous voulez dire ?…

— Je rôtis en ce moment, Monsieur… Oui, tel que vous me voyez, je cuis, je bous, je fris, je rissole… C’est comme ça !… On enseigne cela au catéchisme… Quand Dieu permet à une âme du purgatoire de venir rendre visite à un vivant, son passage sur la terre ne l’empêche pas de souffrir tous les tourments de l’horrible séjour… Ah ! si vous saviez ce que j’endure à l’instant même !… Vous me plaindriez, allez, vous qui avez bon cœur…

— Je vous plains, vous pouvez le croire, Monseigneur.

— Aïe ! aïe ! aie ! Ah ! c’est au bras… Mon Dieu ! assez ! pitié !… Assez de brûlures !… Aïe ! aïe ! aïe !… Maintenant, c’est la cuisse… Mon Dieu ! ayez pitié de ma cuisse !

— Voulez-vous un cataplasme ? Justement j’ai de la farine de lin.

— Merci. Les cataplasmes ne peuvent rien contre les tortures du purgatoire.

— Que faire alors ?

— Rien n’est susceptible d’adoucir mes tourments ; tout ce qu’on peut faire, c’est les abréger… Pensez un peu, soixante-treize mille neuf cent soixante-quinze ans quatre mois et trois jours…

— Oui, c’est assez long… Mais toutes ces messes que votre successeur à l’évêché d’Orléans a ordonné de dire pour vous, est-ce que ça ne vous est pas compté pour diminuer votre temps ?

— Ah ! Monsieur, ne m’en parlez pas… Pour qu’une prière ait de la valeur, il faut qu’elle soit