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faite avec conviction, et, entre nous, je dois vous avouer que ces malheureuses messes qui sont dites par ordre, sans un sou de bénéfice… enfin, vous me comprenez…

— Ma pauvre vieille, je te comprends.

— Quand une prière arrive au ciel, on la pèse… Il y a là-haut une balance pour ça… On met la messe dans un plateau, et pour qu’elle soit reçue, il est nécessaire qu’elle atteigne un poids fixé… Les messes que l’on dit pour moi n’ont pas de chance : à en juger par leurs dehors, elles semblent devoir peser des quintaux ; mais, je t’en fiche, une fois pesées, on reconnaît qu’elles valent tout juste des bulles de savon…

— Ce n’est pas drôle, ça.

— Non, ce n’est pas drôle… Et quand on fait l’autopsie, — car on fait aussi l’autopsie des messes là-haut, — c’est alors qu’on trouve de jolies choses dans l’intérieur des miennes !… Dans l’une, à l’offertoire, il y a un calcul qu’a fait le curé pour savoir ce que lui coûterait un lièvre à son dîner… Un autre, pendant la consécration de l’hostie, pensait à une de ses jeunes pénitentes… Un troisième, tout en communiant, se demandait quel cancan il allait inventer pour faire brouiller un ménage dont le mari ne fréquente pas les sacrements… Et cætera, et cætera… Bref, les messes, en général, mon cher ami, ne valent pas grand’chose auprès du bon Dieu… Une prière de petit bébé rose part mieux du cœur que toutes les patenôtres marmottées en latin par les curés plus ou moins salariés…

Cet aveu, dépouillé d’artifice, me fit prendre en profonde pitié ce pauvre diable de Dupanloup.

— Tenez, vous m’intéressez, lui dis-je… Ne pourrais-je rien faire pour vous abréger un peu votre temps de purgatoire ?

— Vous pouvez gagner des indulgences et me les appliquer.

— Mais vous disiez tout à l’heure qu’on avait beau appliquer des cataplasmes…